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DECONSTRUCTION DES NAVIRES :

RAPPEL HISTORIQUE

La filière n’existe pas, alors il faut l’inventer. La proposition est portée par la CGT depuis plusieurs années. Elle consiste à répondre aux besoins de déconstruction des navires civils et militaires, lesquels renferment de multiples matériaux dangereux (amiante, produits explosifs, polluants, voire radioactifs).

 

Aujourd’hui, au moins 50 000 navires sillonnent les mers auxquels s’ajoutent quelque 700 000 bateaux de plaisance. C’est dire l’immensité du marché potentiel, car désormais il n’est plus question, comme par le passé, d’envoyer systématiquement les vieux bâtiments par le fond. Ces procédés irresponsables pour la santé et l’avenir de la planète ne sont d’ailleurs plus autorisés par la législation européenne.

 

L’affaire du Clemenceau a mis en lumière le scandale des pratiques actuelles. Expédié en Inde pour y être démantelé sur des chantiers aux conditions de travail dignes de Germinal. Son coûteux rapatriement à Brest, où il séjourna de longs mois, et finalement sa déconstruction en Grande-Bretagne ont achevé de démontrer l’incurie de la France dans ce domaine. Une expérience qui demeure inacceptable aux yeux des travailleurs de l’Etat, alors même que la profession est soumise à des suppressions de postes massives.

 

Il faut savoir, en effet, que les constructeurs tels que la DCNS et la Marine Nationale disposent de fait des meilleures installations et du plus haut degré de qualification pour procéder au démantèlement et à la dépollution de tels bâtiments.

 

Leur expertise sera certainement encore plus requise, lorsqu’il s’agira de se débarrasser des anciens sous-marins nucléaires. Pour autant, la CGT explique aussi que limiter l’activité de déconstruction des installations de la DCNS ou de la Marine Nationale aux seuls navires militaires serait une erreur.

 Rencontre avec Jean-Yves Le Drian,

Président de la Région Bretagne

Interview réalisée en mars 2011 par Michel Scheidt

La CGT s’empare du dossier

 

Dès 2006, la CGT constitue un collectif confédéral piloté par Jean-Louis Naudet, alors secrétaire général de la FNTE CGT, qui en coopération avec le cabinet Sécafi-Alpha élabore une série de propositions publiée dans une plaquette intitulée « Pour une filière de démantèlement des navires en fin de vie».

 

Parmi les propositions syndicales figure notamment l’idée d’intégrer le coût de la déconstruction des navires dès leur conception, la création et le développement de sites industriels innovants avec des emplois qualifiés et l’instauration d’un « passeport vert » assurant la traçabilité de chaque navire pour le respect de l’homme et de la nature.

 

En 2009, l’idée CGT a fait son chemin au point qu’elle est reprise par le gouvernement parmi les engagements du Grenelle de la mer. Le syndicat la portera à nouveau durant les débats des états généraux de l’industrie. Pour autant, à ce jour, aucun acte n’est venu concrétiser les engagements de l’Etat, tandis que Jean-Louis Borloo a depuis quitté le gouvernement.

C’est ainsi que lorsqu’à la demande du président de la République, la CGT est reçue à l’Elysée le 28 février dernier, la délégation CGT conduite par Bernard Thibault se saisit de l’occasion pour rappeler à Nicolas Sarkozy que cette décision du Grenelle n’est toujours pas appliquée. La délégation insiste en particulier sur le fait que toutes les infrastructures existent déjà pour cela. L’initiative de Rennes visait à appuyer cette démonstration.

 

Des propositions qui avancent

Le dossier de la déconstruction navale contribue à la reconquête de l’industrie dans les professions et territoires. Cette filière complémentaire de la construction et de la réparation navale démontre que les propositions CGT peuvent changer la donne. En effet, le rôle syndical ne se limite pas à jouer les pompiers du social. Encore faut-il convaincre et y associer d’autres décideurs.

 

C’est ce qui a été réalisé le 12 avril 2011 en réunissant au Conseil Economique et Social Régional de Bretagne tous les acteurs potentiels de la filière. En présence de Bernard Thibault, des représentants de l’Etat, du patronat et des élus locaux ont ensemble planché sur la question. Dans son introduction aux débats, Jean-Louis Naudet insistait sur la nécessité de mettre à contribution le Fonds Stratégique d’Investissement pour le financement de ce projet qui mobiliserait à la fois les services publics et les entreprises privées.

 

Une filière faisant appel à des technologies de pointe et qui contribuera au développement des PME-PMI, mais qui sera aussi une chance pour le développement des territoires maritimes et la formation des jeunes et des chômeurs à des métiers émergents.

 

La CGT aura-t-elle été suffisamment convaincante ? En tout état de cause, dès l’issue de cette initiative, le président de la Région Bretagne, Jean-Yves Le Drian a annoncé le lancement d’une étude de faisabilité sur la mise en œuvre d’une filière de déconstruction.

Construire et déconstruire des bateaux proprement. C’est possible. C’est économiquement, socialement et écologiquement responsable. Avec son savoir faire industriel, ses infrastructures et son potentiel, la Bretagne est au cœur du projet initié par la CGT. Une région partie prenante. Rencontre avec Jean-Yves Le Drian, Président de la Région. Propos recueillis par Michel Scheidt

 

Nvo : Quel regard porte la région Bretagne sur la proposition de mise en place d’une filière industrielle de déconstruction et de recyclage de navires en fin de vie que porte la CGT ?

 

J.Y Le Drian : C’est évidemment une très bonne initiative. L’industrie est une question déterminante pour la vie d’un pays. Qui correspond à une triple nécessité : économique, sociale et écologique. On voit se développer le commerce maritime mondial et de la plaisance. Mais on voit aussi l’impossibilité de gérer correctement la déconstruction et les déchets issus de cette flotte civile, militaire, ou de plaisance. Aujourd’hui, la déconstruction résulte au mieux de la loi du hasard. Au pire, des navires gisent au fond des mers... En tous cas, il faut en finir avec la loi du désordre actuel. C’est pour cela qu’il est très important de créer une filière noble de déconstruction et de recyclage des bateaux.

 

Nvo: C'est-à-dire ?

 

J.Y Le Drian: Je fais un parallèle avec ce que l’on disait il y a quelques années au sujet du traitement des ordures ménagères. C’était une filière à l’image négative. Quelque chose de sale, dedévalorisant et qu’il fallait cacher à tout prix. Aujourd’hui, c’est une filière qui se développe. Moderne, innovante, créatrice d’emplois et de valeur ajoutée, y compris technologique. Je crois qu’il faut faire muter de la même manière la déconstruction navale. Je n’ignore pas les questions, voire les réticences qui s’expriment ici ou là sur ce projet. Elles sont dues principalement à l’image dont je parlais. La bonne réponse réside dans la valorisation de cette filière industrielle.

 

Nvo : La région Bretagne a la façade maritime la plus importante. Un atout supplémentaire, mais une responsabilité particulière. Quels leviers pouvez vous actionner pour faire avancer ce dossier ?

 

J. Y. Le Drian: Nous sommes la cinquième région industrielle de France. C’est certes moins connu, mais pour nous, c’est un atout à conforter. Nous disposons aussi d’un autre atout. Une agence économique qui s’appelle Bretagne développement innovation. Je vous annonce que nous lui avons demandé de lancer une étude de faisabilité sur la mise en œuvre d’une filière de déconstruction et de recyclage des bateaux avec les différents segments d’un tel projet (l’expertise, la partie déconstruction, l’usage des déchets recyclés, y compris les polluants...). Nous voulons vérifier ce que sont par exemple les capacités économiques de ces différents segments. Dés que nous aurons les résultats, nous prendrons les initiatives nécessaires pour ancrer cette filière en Bretagne. Reste une difficulté. Celle de l’espace d’accueil suffisant et indispensable à ce projet industriel. Le foncier maritime est un bien rare. Nous devrons aussi rendre les arbitrages qu’il faudra.

 

Nvo : Vous avez une idée du nombre d’emplois que générerait cette filière ?

 

J. Y. Le Drian : Pas de manière précise bien sûr. Mais, sans vouloir anticiper sur des chiffres qui ne correspondraient pas à la réalité, tout montre néanmoins que ça peut se chiffrer en centaines. Pour la région, c’est très important. Il faut considérer la filière dans son ensemble. On a tendance à ne voir que les bateaux gris (les bateaux militaires ndlr), parce qu’en 2007, le Clemenceau à fait beaucoup parler de lui. Mais il y a aussi, et on en parle moins, les bateaux de plaisance ou de commerce avec souvent les mêmes produits tout aussi polluants.

 

Nvo: On évoque justement le concept de cercle vertueux : on valorise la construction et le recyclage avec le souci du développement durable. Vous ne pensez pas que ceux qui construisent et ceux qui utilisent les navires ont une responsabilité sociale et environnementale dans la prise en compte de cette filière de déconstruction ?

 

J.Y. LE Drian: Oui, absolument. Mais je pense que de ce point de vue, des progrès viennent d’être accomplis, notamment au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI). Laquelle généralement met du temps à réagir, mais là, on note une accélération intéressante, puisque la convention de Hong-Kong, permet désormais de mettre en œuvre les outils juridiques et financiers du démantèlement des bateaux. Alors, il faut encore que cette convention soit validée par de nombreux Etats pour qu’elle devienne une loi mondiale. La France devrait le faire prochainement. Il y a là une opportunité à saisir. Et ce que préconise avec détermination la CGT va dans le bon sens.

Bateaux de plaisance

 

Le parc plaisancier français se compose de 700 000 bateaux immatriculés et seulement 450 000 utilisés. De plus, la fabrication de bateaux neuf croît chaque année.

Environ 20 000 bateaux de plaisance arrivent tous les ans en fin de vie, ce qui représente 5 000 tonnes en 2005, estimées à 10 000 tonnes en 2010 puis 20 000 tonnes annuelles.
(source direction du transport maritime du port et du littoral)

 

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